Bonté divine ! L'expression n'avait rien du juron, mais relevait plutôt de la félicité, à l'issue des enchères organisées sur l'île Saint-Honorat. Car pour sa 13ième édition, la cuvée spéciale du Clos de la Charité a rapporté pas moins de 44800 euros à dix associations dans le besoin, ainsi qu'à la Croix Rouge cannoise, car "le nouveau dispensaire avec cabinet dentaire qui venait d'être inauguré dans le quartier de la République a été détruit par les inondations", indique le père Vladimir Gaudrat, qui dirige la communauté insulaire des moines cisterciens.
Á l'heure de confier 66 lots du Clos de la charité aux bons soins du commissaire-priseur Jean-Pierre Besch (évidemment bénévole pour l'occasion), le père abbé ne portait pas un sac à dos comme on porte sa croix, mais un "sac à dons", avec chéquiers et bulletins pour concrétiser les enchères des généreux donateurs.
"Ce sont des gens qui aiment le bon vin, mais c'est évidemment l'élan de générosité qui prédomine , car ils pourraient aussi s'en procurer moins cher..."
Une cérémonie caritative qui valait bien une messe, ordonnée au monastère en fin de matinée. Mais aussi un déjeuner sous la Tonnelle, le restaurant de l'abbaye de Lérins où les convives ont pu goûter au verre de vin, avant de l'acquérir en bouteilles.
La cuvée du Clos de la charité ? Elle est le fruit des 500 pieds de vignes plantés dans l'enceinte même de l'édifice religieux, à proximité des embruns marins. Un environnement évidemment béni des dieux, qui permet à ce cépage mourvèdre de se gorger de soleil, afin de produire un vin rouge qui dégage "une certaine puissance et beaucoup d'élégance, avec des notes de fruits rouges, mais aussi un peu poivrées", précise l'expert Pascal Kuzniewski. Pour la bonne cause, on osait donc faire davantage pitance que pénitence. Jean-Pierre Besch a virevolté de table en table, avec sa faconde habituelle, afin de pousser toujours plus haut le prix du bouchon (la première bouteille a été acquise à 500€ par un émissaire du Prince Albert de Monaco).
Mais une fois n'est pas coutume, c'est bien le père Vladimir Gaudrat qui tenait le marteau pour frapper les trois coups de l'adjudication, comme on donne bénédiction ! Un duo insolite, laïc et ecclésiastique, qui a prouvé toute son efficacité. Et parmi les convives, une fidèle marraine, Anny Courtade : "On ne peut pas être soi-même heureux si on tolère la misère, estime la cheffe d'entreprise . Cette vente est un moment réjouissant pour apporter de l'argent à des associations en souffrance , alors que le sens du partage et du bénévolat sont malheureusement en voie de disparition".
À Saint-Honorat, c'était bien là tout le sens (et l'esprit) de la fête...
Alexandre CARINI - acarini@nicematin.fr - Nice Matin du Dimanche 6 octobre 2024