Regard insolite - La Gazette Drouot

Yonel Lebovici (1937-1998)
Yonel Lebovici (1937-1998)
Les Yeux sans visage, 1981

Face à ce lampadaire de 2 mètres de hauteur, on se retrouve les yeux dans les yeux avec la singularité et l’inventivité de Yonel Lebovici. Créée en 1981, cette œuvre a été éditée la même année à seulement dix exemplaires, plus deux épreuves d’artiste. Outre sa rareté, elle est particulièrement prisée pour son aspect insolite et symbolique. Le regard aiguisé et curieux de l’artiste se matérialise au travers de cette sculpture lumineuse, baptisée Les Yeux sans visage. Gilles, le fils de l’artiste, explique que son père s’est inspiré d’une citation de Stendhal tirée de son essai De l’amour : «On peut tout dire avec un regard et cependant on peut toujours nier un regard car il ne peut pas être répété textuellement.»


Yonel Lebovici Les yeux sans visage

Yonel Lebovici (1937-1998), lampadaire Les Yeux sans visage, 1981, aluminium poli, acier chromé et laqué noir, signé à la pointe sur la base « Lebovici Y » et numéroté 10, 200 x 80 x 50 cm.

Estimation : 20000/30000 €

Ce lampadaire s’accompagne dans cette série des appliques murales Les Yeux et des lampes Yeux asymétriques et Cyclope. Tous ces luminaires ont en commun l’utilisation d’une structure et d’une base cylindriques en acier laqué noir. À la manière des mobiles de Calder, autre génial inventeur qui inspira beaucoup Lebovici, les yeux en aluminium poli et en PMMA (Plexi) sont reliés au mince fût par un arc tubulaire. Des matériaux innovants et des formes simples et efficaces donnent naissance à un objet aux effets visuels inédits. Cette véritable œuvre d’art a été acquise directement auprès de la famille Lebovici par son actuel propriétaire, un collectionneur de renom possédant six autres créations, présentées lors de cette vente. Une lampe à poser sculpturale Soucoupe de 1978, née de cette folle époque de la conquête spatiale, est attendue à 25000/30000€, une lampe Saturne à 15000/20000€, ou encore, à la même estimation, un chevalet en verre intitulé poétiquement L’Invisible.


Autodidacte et aérien

Une diversité qui plairait forcément à Yonel Lebovici. Infatigable chineur, il se levait à 5 heures du matin tous les samedis et dimanches pour se rendre sur les brocantes. Savant ingénieur et brillant bricoleur, guidé par le culte du « beau dans l’utile », il a su trouver sa voie dans un univers de la décoration des années 1970-1980 en pleine mutation. Il faut dire que son parcours est bien différent de la plupart des designers de l’époque, étant passé par les cours d’industries électrotechniques à l’école Violet puis par un enseignement en arts appliqués au CNAM. En 1957, il est engagé par la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Est, devenue cette même année Sud-Aviation. Là, il travaille des matériaux légers comme l’aluminium. Il vit dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, au cœur d’un milieu artistique en pleine effervescence, fréquente les cours de dessin de la Grande Chaumière et les galeristes. Sa rencontre avec Serge Mansau en 1962 l’entraînera dans le monde des flacons de parfum avant qu’il n’ouvre en 1969 son atelier rue d’Artois et commence à créer ses sculptures lumineuses, inspirées par les créateurs de l’Union des artistes modernes, le travail de Takis, mais aussi le nouveau réalisme. Son activité de marchand lui permet de financer ses prototypes et l’achat des matériaux. En inventant son propre vocabulaire formel, il a magnifié l’objet usuel en le détournant de sa fonction originelle, toujours avec une pointe d’humour inhérente à ces années pop, promptes à bousculer les conventions !

Dimanche 20 avril, Cannes. Besch Cannes Auction OVV.

PAR CAROLINE LEGRAND - LA GAZETTE DROUOT N° 14 DU 11 AVRIL 2025 pages 24-25

Les documents :

Tableaux95XX° siècle85Vintage11
Partagez sur vos réseaux :

Menu rapide