"Quand le Japon inspirait Paris" - Gazette Drouot

Maison Marnyhac
Maison Marnyhac
Guéridon japonisant

Cet élégant guéridon au décor dicté par l’Extrême-Orient appartient à la veine japonisante en vogue dans les années 1870. Il évoquera bientôt, à Cannes, les meilleures réalisations de la maison Marnyhac, l’un des établissements parisiens les plus pointus du moment.

Sur le plateau, trois vases déploient leurs volumes complexes, le plus grand d’entre eux contenant un petit arbuste en fleur. La scène, en émaux cloisonnés polychromes, repose sur des branchages en bronze qui s’échappent d’un fût autour duquel s’enroule un dragon. Mais le détail le plus séduisant de cette pièce japonisante demeure son piétement, formé de quatre têtes d’éléphant, en écho subtil à celles décorant le vase figuré sur le plateau. Une signature gravée en creux sur le fût donne aussi l’origine de la pièce : la «Maison Marnyhac, 1 rue de la Paix, Paris». En cette fin du XIXe siècle, c’est l’une des meilleures de la capitale en matière de décoration ; sous cette appellation commerciale se cache la Société des marbres et bronzes artistiques, créée par le marchand-éditeur Charles de Marnyhac (1838-1897). D’abord établie avenue de l’Opéra, l’élégante boutique sera par la suite transférée rue de la Paix ; elle se spécialisera dans la production d’objets de luxe, prospérera avant de fermer ses portes vers 1910. Son fondateur s’affirme comme l’un des acteurs principaux de la fusion, typiquement XIXe, entre l’art et l’industrie, qui permet d’introduire dans les intérieurs cossus les derniers courants artistiques. Notre guéridon est à l’évidence marqué par le plus apprécié d’entre eux au cours des années 1870-1880 : le japonisme. L’art du pays du Soleil-Levant, tout juste ouvert aux Occidentaux, constitue alors une source d’inspiration inépuisable, de la peinture aux arts décoratifs, offrant des motifs novateurs tant à Vincent Van Gogh qu’à Édouard Lièvre.

Médaille d’honneur en 1878

Des entrepreneurs créatifs vont donc profiter de cette vogue pour ouvrir des structures rivales. À leur tête le célèbre Escalier de cristal, sis rue Scribe, la maison Barbedienne et l’entreprise qui nous occupe, la maison Marnyhac. Comme ses concurrentes, celle-ci fait appel aux sculpteurs les plus représentatifs de son temps ; ainsi Auguste Clésinger, Amédée Charron ou Georges Clère donnent-ils les modèles de très nombreux bronzes d’art. D’excellents ornemanistes comme Eugène Piat grand tenant de l’éclectisme, sont également à l’origine d’autres créations mémorables. Souvent, les pièces mêlent des éléments extrême-orientaux (tel le dessus du guéridon en émaux) à des montures fabriquées dans les ateliers parisiens.

L’objet peut alors être produit en série, avec quelques variantes «de garniture» ; ainsi une petite table identique à la nôtre, passée chez Tessier & Sarrou et Associés OVV, à Drouot, le 30 novembre 2012, ne différait que par le décor de son plateau…Marnyhac sera récompensé à l’Exposition de 1878, par l’obtention d’une médaille. Enthousiaste, le critique Émile de Bergerat n’hésite pas à écrire dans son ouvrage Les Chefs-d’œuvre d’art à l’Exposition universelle de 1878 : «L’exposition de la maison de Marnyhac m’a démontré clairement que Paris a deux Barbedienne, c’est-à-dire deux industriels d’art tels que l’Europe entière ne peut nous en opposer d’égaux. Cette démonstration valait bien une médaille d’honneur !».

Philippe DUFOUR

Maison Marnyhac, guéridon japonisant reposant sur un piétement en bronze ciselé anciennement doré, plateau cerclé en émail polychrome cloisonné, h. 71,5 cm, diam. 70,5 cm.

Estimation : 28 000/35 000 €

En vente le 30 Décembre à Cannes par Besch Cannes Auction

Les documents :

XX° siècle69Arts décoratifs45
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